Du pain liquide
Au départ, c’est une histoire très simple. Une histoire populaire, commencée il y a déjà bien longtemps, là où les hommes et les femmes ont commencé à cueillir et à cultiver. Une belle histoire, une histoire à partager, qui au fil du temps, livrera au reste du monde l’une des plus anciennes recettes de boisson fermentée. Du pain liquide est née la bière. Ah la bière ! Enfin, le mot est lâché !
D’abord, un mélange de granulés sauvages préparé par les anciens et transformé à l’air libre, puis la recette a traversé les siècles. À chaque changement, une petite révolution dans la manière de fabriquer, conserver et consommer la bière. Mais une chose est sûre, ce qui n’a pas changé et qui ne changera guère, c’est la joie de partager une bière !
Une tradition antique
Déjà, la civilisation mésopotamienne s’adonnait à la fête en buvant à la paille des sortes de bières fabriquées à base d’orge et de froment. Les égyptiens, premiers zythologues en herbe, l’apprécieront plus tard en ajoutant parfois des aromates, avant de la faire connaître à la population grecque et romaine. Agrémentée de nouvelles céréales comme l’avoine ou d’adjuvants comme le miel, la recette à base de grains trempés allait bientôt traverser la Gaule où elle laissera tout un peuple emprunt d’ivresse. C’est déjà l’époque de la cervoise, seule boisson familiale garantie sans risque ! Les Gaulois, sans doute fins buveurs, s’attèlent à la délicate tâche de la maturation et de la conservation, avec l’invention du foudre et du tonneau. La recette de la cervoise est certes empirique et la fabrication familiale, mais l’histoire de la bière est belle et bien en route et va bientôt connaître une petite révolution.
Célèbre cervoise et bière d’abbaye
Ça y est ! La brasserie s’organise et la production de cervoise est confiée à des mains plus expérimentées. Ce n’est plus la boisson que l’on prépare en famille et que l’on partage avec le voisin mais une boisson à part entière, fabriquée dans une brasserie publique, elle-même installée au cœur du village. Certes, cette affaire deviendra avant tout une affaire de moines durant toute la période médiévale. Les abbayes ont le mérite, en plus de servir la bière à table, d’apporter une pierre solide à l’édifice en améliorant progressivement les techniques de brassage. Concernant la recette, pas de grand changement dans l’utilisation des céréales mais un ingrédient s’invite dans la fabrication. Bienvenue au gruit, mélange de plantes sauvages réduit en poudre, ajouté à la cervoise sans doute pour le goût et peut-être pour la conservation de la boisson. Mais la vraie révolution au Moyen Âge, c’est l’utilisation du houblon !
L’or vert de la bière
Ah le houblon ! Mieux que le pétrole, véritable carburant vert, le houblon marque un tournant décisif dans le brassage de la bière. Mauvaise nouvelle pour les seigneurs qui avaient la main mise sur le gruit et bonne nouvelle pour l’histoire de la bière. Cervoise enterrée et naissance de la bière…
La bière houblonnée change en profondeur le goût de la bière et l’ajout de houblon améliore la conservation. La nouvelle recette livre des bières aromatisées en grande quantité et la consommation annuelle devient conséquente. Les premières réglementations sur le brassage et la vente de la bière font leur apparition, tout comme les premières taxes que devront bientôt supporter les brasseurs et les particuliers… Les brasseries fleurissent et le houblon voyage. Les brasseurs emmèneront avec eux dans leurs valises des recettes traditionnelles et spéciales, des styles de bières qui feront le tour du monde et, qui au fil du temps et des révolutions industrielles, resteront ou disparaîtront pour mieux réapparaître, pour le grand plaisir des hommes et des femmes avant tout buveurs de bière !
La révolution industrielle
L’essor de la brasserie au dernier siècle avec l’introduction du froid industriel, s’accompagne d’un fleurissement d’usines brasseries où l’on produit essentiellement des recettes de bières très populaires. Les brasseries familiales existent toujours mais leur développement s’interrompt avec les deux grandes guerres. La brasserie du village disparaît petit à petit pour laisser place à des grands groupes industriels qui réussiront à faire oublier, l’espace d’un temps, le goût de la bière…
Le retour aux sources
Aujourd’hui, une nouvelle ère démarre ! La bière a retrouvé son goût et surtout tout son sens. C’est en quelque sorte un retour aux sources avec toute la modernité liée à notre temps. La bière industrielle existe toujours, à grand renfort de publicités ou de contrats d’exclusivité. Mais, car il y a un mais. Rien n’y fait, malgré des millions d’hectolitres de bières vendues en supermarché, la bière artisanale s’est quand même fait une place. Une place non négligeable car de plus en plus appréciée. Le combat reste cependant inégal mais la nouvelle révolution est belle et bien lancée !
Brasseries locales, micro-brasseries, restaurants brasserie, fermes brasserie, brasseurs amateurs, dégustateurs en herbe, biérologues, bars à bières, clubs de dégustation, voilà le nouveau visage de la bière. Autre époque et autres bières…
Depuis quelques temps, le petit monde de la bière s’agite au point que la planète vin s’étonne et s’y intéresse. Accompagner un plat d’un bon verre de vin est un rituel et pourtant la bière le fait également à merveille. Déguster et manger, la bière et la gastronomie, deux plaisirs et une union presque parfaite pour tous les épicuriens de la planète.